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La Sagesse

« Les émotions aliénantes sont vaincues en éliminant l’ignorance. » 

Aryadeva, Quatre Cents Stances.

His Holiness the Dalai Lama greeting a senior monk at the conclusion of the third day of his teachings at Ganden Jangtse Monastery in Mundgod, Karnataka, India on December 25, 2014. Photo/Tenzin Choejor/OHHDL www.dalailama.com

*** Niveau Avancé

*** Mahayana

Percevoir la Réalité

 

Pour assister à des enseignements religieux, méditer ou autre, il vaut mieux affermir sa motivation intérieure auparavant. L’élan fondamental qui l’enclenche est la volonté d’éliminer rapidement les trois poisons que sont le désir, la haine et l’ignorance, sous leurs formes grossières et subtiles – et de refuser consciemment de les affronter ou de s’y opposer. Motivé, vous vous dirigez sur la voie de la libération du cycle de l’existence.

 

De surcroît, il faut aussi avoir la volonté de suivre le comportement des bodhisattvas et d’en avoir les actes. Au-delà de rechercher à vaincre les émotions destructives dans le continuum de votre conscience, vous vous efforcer d’aider les êtres vivants à éliminer leurs émotions aliénantes. Pour qu’ils obtiennent un bien-être ultime, la simple destruction des émotions négatives n’est pas satisfaisante, il faut aussi annihiler les forces conditionnantes qui imprègnent l’esprit. Il est donc nécessaire d’accomplir un cheminement mental complet qui sert à purifier l’esprit : les pratiques du bodhisattva. Éclairé par l’altruisme enraciné dans l’amour chaleureux et la compassion, vous vous attachez à la pratique des six perfections : la générosité, la moralité, la patience, le courage, la concentration et la sagesse. Dans ce chapitre, nous nous concentrons sur la pratique de la perfection de la sagesse.

 

Les deux procédés principaux

 

Bouddha, pour enseigner la vision pénétrante de la vacuité et suivant le niveau de progression mental du pratiquant, a utilisé deux procédés. Les deux plus importants exégètes de ces deux méthodes sont Nagarjuna et Asanga. Bouddha avait prophétisé leur venue. On les surnomme « les créateurs / ouvreurs de voie » parce que les descriptions méthodiques de leurs points de vue traduisent les paroles de Bouddha.

 

Nagarjuna et Asanga ne se différencient pas en ce qui concerne les actes illimités de la compassion (même si Asanga a été plus prolixe). En revanche, leur avis diverge sur la question de la vision pénétrante de la vacuité. Nagarjuna est le plus grand théoricien de l’École de la Voie médiane. Quant à Asanga, il appartient à l’École de l’Esprit seul. Il me semble qu’une personne impartiale et sagace qui étudie leurs deux approches jugera celle de Nagarjuna plus convaincante. Car l’analyse du point de vue de l’école de l’Esprit seul proposée par Asanga fait apparaître des contradictions.

 

Selon l’école de l’Esprit seul, seule la conscience existe. En effet, pour ce courant de pensée, l’apparence des objets externes n’est pas réellement fondée, ce qui aide a fortiori à affaiblir notre attachement. Cependant, minimiser l’importance des sensations de plaisir ou de douleur pourraient exister telles qu’elles se manifestent dans le mental.

 

Pour Nagarjuna, de l’école de la Voie médiane, tous les phénomènes mondains ou mentaux sont vides d’existence inhérente. Ainsi, peu importe ce que nous considérons – les conceptions mentales comme les formes visibles, ou encore notre esprit -, rien n’existe selon la nature de l’apparence. La pensée plus profonde de Nagarjuna, de l’école de la Voie médiane, contribue ainsi à neutraliser les idées fausses et à nous sortir de la confusion qu’elles ont générée.

 

L’antidote à l’ignorance

 

Les convictions erronées suscitent la souffrance. Pour se délivrer de cette ignorance, l’émission d’un simple vœu ne suffit pas. Il faut s’y opposer afin de l’éliminer. Les forces des émotions destructives comme le désir peuvent s’affaiblir temporairement, grâce à la méditation conceptuelle, par exemple. Pour éliminer la conception erronée de la nature des choses, nous devons générer la sagesse qui annihile les erreurs conceptuelles de l’ignorance. Pour cela, il faut générer une perception particulière discriminante qui réalise la vérité de l’inexistence du soi. L’origine du problème disparaît à l’aide de la sagesse qui est l’antidote de l’ignorance.

 

Le mécanisme de l’erreur conceptuelle

 

Observons le processus de formation de la méprise conceptuelle qui est la source du cycle de l’existence. Quelle est l’ignorance majeure ? C’est de croire que les choses sont comme elles apparaissent, qu’elles sont autonomes, indépendantes de la pensée. L’ignorance nous interdit la vision de la réalité : les choses sont vides du statut qu’elles semblent posséder. Les convictions erronées détruisent notre bien-être et celui des autres.

 

L’erreur conceptuelle d’une entité corps-esprit ayant une existence inhérente provoque une vision erronée du « moi » comme possédant une nature intrinsèque. Puis, des actes incorrects sont commis, qui ensuite provoquent renaissances et aléas. De cette manière, l’ignorance sur la réalité des phénomènes mentaux et physiques nous enchaîne dans le cycle de l’existence. Nagarjuna dans La Précieuse Guirlande des avis au roi dit :

 

Aussi longtemps qu'il y a une méprise sur la nature de l'entité corps-esprit, 

Aussi longtemps il y aura une méprise sur la nature du "moi".

Par surcroît, quand la méprise sur la nature du "moi" existe,

Elle suscite des actes, qui engendrent la renaissance.

 

La mauvaise perception des phénomènes mentaux et corporels – comme s’ils avaient une existence inhérente – débouche sur la conception erronée du soi ou du « moi », perçus comme s’ils existaient intrinsèquement. Puisque ces deux manières identiques de mal interpréter la réalité sont, toutes les deux, à la source du cycle de l’existence, provoquant une foule de désirs et de haines. Quand Chandrakirti, par exemple, avance que les émotions aliénantes et les karmas naissent d’une mauvaise appréhension du « moi », il se réfère finalement à ces deux idées fallacieuses.

 

Deux formes d’absence du soi

 

Soyez attentif pendant ce petit exposé. En pensant que vous avez une existence inhérente, la perception du « moi » est fallacieuse car il semble autonome. L’instant est si bref entre la mauvaise interprétation de l’entité corps-esprit initiale et celle qui suit, du « moi », que cela laisse l’impression que la conscience qui conçoit une nature erronée du « moi » observe aussi les agrégats mentaux et corporels, mais il n’en est rien, elle n’est attentive qu’au « moi ».

 

Réfléchissez dans cette direction. Nous nous intéressons principalement à :

 

1. La personne, ou le « moi » qui agit, accumule le karma, et qui, en définitive, fait l’expérience du plaisir et de la douleur.

 

2. Les phénomènes que nous subissons.

 

Le bouddhisme, pour cette raison, fait une différence entre ce qui existe dans les personnes (cela est valable pour l’ensemble des êtres vivants) et les phénomènes. D’ailleurs, les personnes sont des phénomènes. Mais la distinction entre personnes et (autres) phénomènes est faite pour mettre l’accent sur l’importance de ces deux notions : d’un coté, la personne est celle qui accumule l’expérience, et de l’autre coté, le phonème est ce qui est vécu.

 

Dès que nous classons tout ce qui existe à l’intérieur de ces deux catégories, deux formes d’ignorance apparaissent clairement : la première, qui correspond à une perception erronée de la personne et de son existence inhérente ; et la seconde, qui correspond à une conception fallacieuse des autres phénomènes comme existant intrinsèquement. Elles sont l’ignorance.

 

Considérez que vous et les autres ont une existence inhérente sont deux erreurs conceptuelles, des conceptions erronées de la personne. Se tromper sur la nature de votre corps, comme celui des autres, du mental, des yeux, oreilles, etc., en pensant qu’ils ont une existence intrinsèque, est appelé la conception erronée des phénomènes. Cela s’applique aussi aux maisons, aux arbres, etc.

 

En fonction de ces deux catégories, l’absence d’existence inhérente des personnes est appelée la vacuité des personnes. Chandrakirti dit :

 

Le « soi » a le statut d’une entité qui n’a pas de lien avec d’autres choses – qui existe intrinsèquement. Son absence d’existence est la vacuité. La distinction entre les phénomènes et les personnes montre que la vacuité est double : « la vacuité des personnes et celle des (autres) phénomènes ».

 

Entre ces deux vacuités, il ne faut pas rechercher des subtilités pour les différencier. Puisqu’elles sont chacune vides d’existence inhérente.

 

La nécessité d’analyser

 

Comment accepter ou refuser l’apparence ou la réalité ? N’y a-t-il pas un conflit entre l’apparence relative des choses et leur existence réelle ? Aujourd’hui, les physiciens des particules proposent une vision du monde différente de cette perception ordinaire que nous avons au quotidien. Par exemple, un pilier de pierre massif et ancien semble inamovible et solide. Voilà l’apparence qu’il donne, mais les particules qui le composent, si nous les observons, changent rapidement à chaque instant. L’apparence et la matière qui le composent sont divergentes. De tels conflits entre apparence et réalité ne sont pas rares en ce qui concerne les phénomènes ordinaires.

 

Allons plus loin dans l’analyse, si la manière dont les objets nous apparaissent ne nous convient pas et que nous recherchons leur vraie substance ; finalement, il ne reste rien de ce que nous désignons sous le terme objet. Face à ce conflit entre la réalité et l’apparence, la religion bouddhiste propose le principe de deux vérités. L’école de la Voie médiane définit les choses qui, sous leur forme apparente aux yeux des êtres vivants, visent à générer de l’aide, de la nuisance, de la douleur, etc., comme des « vérités relatives ». Elle analyse aussi les choses, au-delà de cette apparence, pour découvrir ce qui est désigné comme la « vérité absolue ». Un objet a un mode d’apparence basée sur une connaissance conventionnelle juste, et un mode de réalité absolue fondée sur l’analyse juste.

 

Les personnes et les phénomènes existent vraiment, rien ne s’oppose à leur existence. Ils aident et nuisent. Ils se fondent sur la pensée. Mais, dès que nous entrons en interaction avec eux, nous ressentons quelque chose au-delà d’eux-mêmes. Par exemple, en disant : « Votre chaise est là-bas », en la désignant, la chaise semble indépendante de la pensée émise ; elle apparaît comme étant autonome, avec l’analyse il devient de plus en plus manifeste qu’il n’en est rien. En observant les choses sous couvert de l’analyse, il est impossible qu’elle puisse exister avec cet aspect substantiel. Par conséquent, il semble y avoir un conflit entre l’apparence et la réalité. Leur substantialité apparente est due à une exagération de la pensée conceptuelle.

 

Cette distorsion de la réalité provient autant de la perception sensorielle que de la pensée. À cause des exagérations profondément ancrées dans nos esprits, les sens perçoivent le phénomène sous une forme illusoire. Et cette illusion nous fait systématiquement conclure que les phénomènes sont autonomes. Un peu, comme si nous considérions, réelles, les images de nos rêves. Dans ce processus mental vous donnez à une illusion une apparence de réalité, par l’octroi de certaines qualités résultant d’une réflexion excessive et négative. Cela génère un torrent d’émotions aliénantes.

 

L’ignorance innée

 

Depuis les insectes jusqu’aux formes les plus élaborées, les êtres vivants se partagent cette forme innée de l’ignorance – se tromper sur les personnes et les phénomènes en leur attribuant une nature autonome – qui est la racine causal du cycle de l’existence. Il est impossible qu’un concept erroné, acquis à travers les déductions de systèmes de réflexions inadéquates, puisse être la racine du cycle de l’existence. La racine doit toujours être valide quel que soit le système ou la réflexion, erroné ou non. Par exemple, souvent reprise dans les religions indiennes non bouddhistes, l’idée sophistiquée, mais fausse, qu’une personne possède les trois qualités de permanence, d’unité et d’autonomie est une notion acquise et non innée. Elle provient d’un système religieux qui a posé une assertion résultant d’une mauvaise analyse.

 

Des systèmes affirment que les minuscules particules qui forment physiquement un objet ne sont pas composées d’éléments de base. Or, s’il en était ainsi, un agrégat de particules ne pourrait pas dépasser la taille d’une particule. Les particules doivent reposer sur des éléments concrets puisque l’objet possède une dimension, aussi petit soit-il. Sinon, comment une particule pourrait-elle s’agréger à une autre ? Comment un groupe de particules pourraient-elles former une masse, comme les atomes composent la molécule ?

 

De même, des systèmes philosophiques avancent l’idée que le plus petit moment de la conscience n’est pas composé de différentes parties : ni début, ni centre, ni fin. Mais là aussi, si un moment de conscience ne peut pas se diviser en parties, comment plusieurs moments pourraient-ils composer le flux de la conscience ? Le continuum de la conscience ne pourrait pas exister.

 

De telles idées apparaissent chez des personnes qui ont été éduquées dans un système d’enseignement erroné. Elles n’apparaissent jamais chez des personnes non éduquées. Cette forme d’ignorance générée artificiellement ne peut pas être la racine du cycle de l’existence qui nous renferme tous. Il est préférable que le facteur-racine problématique soit cette sorte de méprise qui a toujours existé chez les êtres vivants, qu’ils soient éduqués ou non. L’ignorance doit être innée, tandis que ces autres formes sont artificielles dans le sens où elles sont acquises par l’éducation. L’ignorance innée se réfère, dans ce cas, à une compréhension de chaque objet, personne ou autre phénomène, qui entérine leur apparence comme s’ils existaient indépendamment, vraiment, de manière ultime, sans conflit entre leur aspect externe et leur réalité.

 

L’objectif de cultiver la vision pénétrante de la réalité grâce à la méditation est d’atteindre la libération. Et puisque l’ignorance innée est ce qui emprisonne les êtres dans le cycle de l’existence, les formes artificielles de l’ignorance élaborées sur cette ignorance de base ne sont pas au cœur de nos préoccupations. Ce qu’il faut arrêter, ce sont les idées innées qui sont à la racine de tous les problèmes. Quand elles cessent, les concepts erronés acquis intellectuellement sont systématiquement éliminés. En définitive, l’élimination des erreurs générées artificiellement est utile pour atteindre ce but.

 

Voir chaque chose comme une illusion

 

Quand, avec l’analyse méditative, vous parvenez à comprendre l’absence d’existence inhérente, ou la vacuité, vous réalisez intérieurement pour la première fois que le « soi » et les autres phénomènes sont erronés. Ils apparaissent comme concrets, mais il n’en est rien. Vous commencez à voir les phénomènes comme des illusions, c’est-à-dire à reconnaître l’apparence des phénomènes, tout en comprenant qu’ils sont vides d’exister de la manière où ils apparaissent. Comme les physiciens qui distinguent entre ce qui est apparent et ce qui existe concrètement, il faut reconnaître qu’il y a une divergence entre l’apparence et le concret.

 

En découvrant divers bons et mauvais objets, il ne faut pas vous attacher à leur apparence, mais les regarder comme des illusions, pour éviter de tomber sous l’emprise d’émotions nuisibles comme le désir ou la colère. Si les objets sont perçus avec une nature inhérente, un aveuglement s’installe, et si l’objet est bénéfique, vous vous y attacher en pensant : « C’est réellement extraordinaire. » Dès que le désir s’amplifie, la colère surgit contre tout ce qui freine votre jouissance. Maintenant, si l’objet est considéré comme une illusion sortie d’un tour de magicien, il semble exister intrinsèquement, mais il n’en est rien. Alors, au lieu d’appréhender l’objet comme quelque chose qui pourrait nuire à votre existence, pratiquez cet exercice, il vous viendra en aide. C’est crucial, car nous devons utiliser la pensée conventionnelle pour comprendre la réalité absolue du phénomène auquel nous sommes confrontés.

 

Voir les phénomènes comme des illusions est indispensable pour passer à leur analyse et savoir s’ils existent vraiment selon leur apparence. L’analyse n’est pas du domaine de la conviction, par conséquent elle exige que l’examen se fasse selon différents points de vue. Pour l’accomplir, avoir confiance en des gens avisés est souhaitable, mais cela ne signifie pas que vous leur accordez une foi inconditionnelle. La confiance signifie les écouter régulièrement et avec attention, en évitant d’être distrait par des considérations extérieures comme leur façon de s’exprimer ou d’écrire, puis d’appliquer les enseignements dans votre continuum mental.

 

Il faut développer trois degré de sagesse :

 

- d’abord, la « sagesse née de l’audience », c’est d’avoir la capacité de reconnaître parfaitement les enseignements,  en lisant ou en écoutant, le commentaire de quelqu’un d’autre ;

 

- puis, la « sagesse née de la pensée », c’est développer une confiance en s’engageant dans la réflexion analytique sans cesse, au point où vous restez résolu si une personne essaie de vous en dissuader ;

 

- et, enfin, la « sagesse née de la méditation », elle provient de la pratique méditative répétée au point où elle est appliquée avec la plus grande conviction.

 

Méditation contemplative

 

1. Tous les phénomènes, externes ou internes, sont vides d’existence inhérente.

 

2. Peu importe ce que nous considérons – les formes visibles, les sons, les odeurs, les goûts et le toucher, ou encore, votre propre esprit qui les observe – comprenez que ces formes sont vides d’existence intrinsèque et qu’elles n’existent pas selon la nature de leur apparence.

 

3. Pour éliminer l’ignorance, il faut générer la sagesse qui est son opposé.

 

4. À l’origine, l’entité corps-esprit est mal appréhendée, elle est perçue comme ayant une existence inhérente, ce qui entraîne une conception erronée du « moi » comme possédant lui aussi une nature intrinsèque. Cela suscite ensuite des actes incorrects qui vont provoquer d’autres renaissances et plus de souffrances.

 

5. Reposant sur le fait que nous sommes principalement intéressé par (1) la personne, ou le « moi » qui agit, accumule le karma, et qui, en définitive, fait l’expérience du plaisir et de la douleur ; et par (2) les phénomènes que nous subissons. Nous pouvons distinguer deux formes d’ignorance : une qui correspond à une perception erronée de la personne et de son existence inhérente ; et l’autre qui est une conception fallacieuse des autres phénomènes comme existant intrinsèquement.

 

6. En vérité, les personnes existent, mais sans existence inhérente, cela est appelé la vacuité des personnes ; quand elle touche les autres phénomènes comme les yeux, les oreilles, le corps, le mental, les montagnes et ainsi de suite, cela est appelé la vacuité des phénomènes. Ces deux vacuités sont tout aussi subtiles.

 

7. Il est nécessaire de distinguer le phénomène, tel qu’il nous apparaît, de son existence réelle.

 

8. Les personnes et les phénomènes dépendent de la pensée. Mais, dès que nous sommes en interaction avec eux, nous ressentons quelque chose de plus, d’autonome, d’indépendant de la pensée, comme possédant leurs propres qualités.

 

9. Avec l’analyse, ce qui apparaît comme concret et autonome devrait l’être de plus en plus, mais il n’en est rien. Vous ne trouvez rien de substantiel. Et si vous approfondissez encore l’analyse, il ne reste finalement rien de ce qui devrait être l’objet.

 

10. Sur le plan sensoriel, les phénomènes apparaissent comme concrets en raison d’anomalies mentales. Et à cause de cette apparence, systématiquement, nous concevons que les phénomènes existent et sont autonomes, comme si nous prenions les images de nos rêves pour la réalité. Une apparence non fondée est considérée comme véritable. Puis, notre pensée négative et excessive lui attribue beaucoup d’autres qualités, qui vont susciter un grand nombre d’émotions aliénantes.

 

11. Face au conflit entre réalité et apparence, l’école de la Voie médiane parle d’entités qui créent aide, nuisance, douleurs, etc. Elles sont appelées « vérités relatives ». Puis, elle parle de la réalité au-delà des apparences, qu’elle désigne comme la « vérité absolue ». Dans un objet, votre corps par exemple, l’apparence est perçue par la connaissance conventionnelle juste, et son mode d’existence est déterminée par l’analyse ultime.

 

12. L’ignorance innée est une compréhension de chaque objet, personne ou autre phénomène qui entérine leur apparence comme s’ils existaient de manière inhérente, selon leur propre nature, leur propre réalité, leur propre mode d’existence, véritablement, absolument, sans conflit entre leur aspect externe et leur réalité.

 

13. Au moment où, avec l’analyse méditative, vous parvenez à réaliser la vacuité de l’existence inhérente, vous comprenez que vous et les autres phénomènes existent apparemment d’une façon qui ne reflète pas la réalité. Vous percevez les phénomènes comme des illusions, avec une divergence leur apparence et la véritable réalité de leur existence.

 

14. Percevoir les personnes et les choses, prises dans une divergence entre leur apparence et leur réalité, comme les illusions créées par un magicien, vous met à l’abri de l’emprise des émotions négatives.

 

15. Pour voir les phénomènes comme des illusions, il faut d’abord les analyser pour savoir s’ils existent réellement selon leur apparence.

 

Sa Sainteté le Dalai-Lama

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